S'inspirant des New York Dolls (pour le look) et des Cramps (pour l'esprit), le groupe Ici Paris enregistre au début des années 80 l'un des plus beaux albums du rock français. Un disque rempli d'aventures qui évitent soigneusement les sempiternelles histoires de gonzesses et de zone. Ici Paris rêve de train fantôme, d'explorations intergalactiques, de monstres romantiques et de Cadillac infernale. Univers kitsch d'éternel adolescent conjugué aux quelques accords de base du rock'n'roll, la claque est grande pour qui a la curiosité d'écouter leurs morceaux. Emmenée par une jolie brunette à la voix perçante et un guitariste à l'incroyable tignasse, la formation suscite la curiosité. Les connaisseurs pensent même avoir enfin découvert LA perle rare qui manquait au paysage musical. Un vent de fraîcheur et d'espoir souffle enfin. Hélas, les concerts se font rares et surtout les médias traditionnels sont un peu trop décontenancés par cet univers où Bagdad et la foire du trône sont devenus deux incontournables pôles d'attraction. L'heure est plutôt à France Gall et son pianiste qui joue en position verticale, il n'y a donc pas de place pour la fantaisie et le second degré. Dommage. Le groupe s'évanouit dans la nature, alors que son fantôme revient régulièrement visiter nos platines. L'histoire de ce combo commence en 1977 via les Curlies (frisés en anglais) dans lequel officient Hervé « Shere Kahn » Crost Flament, « Sy »-Philippe Becquelin aux guitares et Jean-François « Jeff » Janin au chant (futur Escalators et Fanatics). L'heure est au punk-rock. Fans d'Asphalt Jungle, Metal Urbain et autres Guilty Razors, eux aussi aimeraient bien accéder à la notoriété du Gibus et de ses environs. Pour cela, ils se rebaptisent Gare Du Stade du nom de la station de train qui dessert le stade de Colombes dans les Hauts-de-Seine espérant au moins susciter la curiosité de quelques banlieusards. Officient dans ses rangs Shere Kahn, « Sy »-Philippe et Jeff, complétés de Jean-Claude « Dino Lamour » Courtinel (basse, ex-Incitation A La Débauche) et de Pascal (batterie). GDS éructe des textes à la manière des Sex Pistols, mais tel le Clash, adorent le reggae et n'hésitent pas à reprendre du Toots & The Maytals. GDS se produit à la Boule Noire en décembre 1978 en première partie de Gazoline, ce sera l'un de ses plus hauts -- aussi l'un des ses seuls -- faits de guerre. Au premier rang, une spectatrice, Marie-Christine Alcaraz, connaît tous les textes par cœur. Serait-elle par hasard chanteuse ? Ici Paris naît des cendres de Gare Du Stade au cours de l'été 1979, il est constitué de Marie « Al Kha Raz »(chant), d'Hervé « Shere Kahn » (guitare solo), de « Sy »-Philippe (guitare rythmique), « Dino Lamour » (basse) et Pascal « Captain ? » (batterie). Leurs premières compositions ont pour nom : « Mal de grandir« , « Mister Parkson« , « Twist à Paris« , « Le Centre du monde » (qui sera retenu comme thème générique du film La Brune Et Moi réalisé par Philippe Puicouyoul) et « Mission accomplie« . Le 23 juin 1980, c'est leur première apparition publique en ouverture de Sham 69 au Palace. Le label Gaumont les remarque et les signe sans hésiter. Ils enregistrent sous la houlette du producteur Paul Scemama de Gialully un simple au studio Ferber « Le Centre du monde« / « Souris » qui passe complètement inaperçu aux yeux du grand public, mais qui leur permet néanmoins de décrocher la première partie de la tournée française des Ramones. La province découvre Ici Paris sur scène, le 28 septembre à Bordeaux, le 29 à Lyon et le 30 c'est le retour à la capitale au Bataclan. Et même si les ventes du 45 tours sont quasi-nulles, tout les spectateurs sont sous le charme des compositions qui semblent emprunter un tapis magique, ainsi que de la chanteuse accrochée à son léopard en peluche. C'est décidé, il y a aura un album. Entre-temps, le 7 janvier 1982 très exactement, l'émission de rock de la deuxième chaîne de télé française diffuse deux titres d'Ici Paris filmés au Rose Bonbon : « Stupide petit garçon » + « La Fusée de ton retour« .